Vous trouverez ci-dessous un florilège de nos rencontres, découvertes... bonne lecture.
Pour écrire un poème,
je choisis un mot, puis un autre mot
tout aussitôt : ils font la paire,
puis un autre mot tout étonné d’être là entre les deux qui rient aux éclats
de l’intrus arrivé après eux sans connaître les règles du jeu.
Mais rira bien qui rira le dernier !
...
Georges Castera, Le coeur sur la main
Refonder comment ? Reconstruire quoi ? Pour qui ? Pour quoi ?
...
Pierre Buteau, Rodney Saint-Eloy, Lyonel Trouillot, Refonder Haïtí ?
En purs battements
D’éternité brûlante
L’intensité du sang
Supplice ou sacrifice
D’un nombril incendié
Sans larme et sans alarme
...
Franketienne,
Sphinx en feu d’enigmes
Qui donc ira jeter des fleurs
au Pont Rouge
au Champ de Mars
les offrandes coulées dans la
honte
blessent
Les yeux ne portent pas le
printemps
si la nuit s'annonce
l'aurore prévue
Tant de bruits arrimés sur nos
têtes
le ciel se rétrécit
tant de jeux sévères dans nos
rues
les enfants vieillissent
Moi je maudis le manège qui
sabre
qui sourit qui bénit
et qui tue
Qui donc l'opprobre au front
ose jeter des fleurs à
Vertières au Pont Rouge
Les dieux habitent des
vertiges
ou n'entrent pas les
flétrissures
...
René Philoctète , Qui donc
ira jeter des fleurs
Sans tapage ni
frayeur
Le hasard lèche
le temps
En une valse éphemère
...
Franketienne, Sphinx en feu d’enigmes
Ce matin, en t’aidant à te vêtir, je t’ai senti
trembler encore une fois et t’être endormi, tu t’était agité dans ton sommeil. Tu
y parlais d’embuscades, de privations, de faim torturante, de soif inapaisée,
de blessures douloureuses, de balles à extraire, souvenirs de ton siège subi à
la Crète à Pierrot
...
Cyntia Bastien ,Les mendiants du Soleil
Mon avenir sur ton visage est dessiné comme des nervures
sur une feuille,
Ta bouche quand tu ris est ciselée dans l’épaisseur d’une
flamme,
La douceur luit dans tes yeux comme une goutte d’eau dans
la fourrure d’une vivante zibeline,
La houle ensemence ton corps et telle une cloche ta
frénésie à toute volée résonne à travers mon sang
Comme tous les fleuves abandonnent leurs lits pour le
fond de sable de ta beauté,
Comme des caravanes d’hirondelles regagnent tous les ans
la clémence de ton méridien,
En toute saison je me cantonne dans l’invariable journée
de ta chair,
Je suis sur cette terre pour être à l’infini brisé et
reconstruit par la violence de tes flots,
Ton
délice à chaque instant me recrée tel un coeur ses battements,
Ton
amour découpe ma vie comme un grand feu de bois à l’horizon illimité des
hommes.
...
René Depestre
Comme toi, je suis née dans l’esclavage... Toute
ma vie, j’ai dû plier l’échine devant le joug du Blanc et même si depuis 1793
on nous dit libres, tu sais bien ce qu’il en est réellement.
...
Cyntia Bastien ,Les mendiants du Soleil
L’inaccessible qui nous écrase. Les insectes de l’écriture
dans les plaies du silence. La clameur des épines sous la rosée des rêves.
...
Franketienne, La
bouche ovale
Le feu poétique en éboulement dilue l’ombre rance
de la peur. Le vin du sacrifice coulait à contre-cri. Nulle faim rose sur nos
traces. Nulle pensée. Un regard m’intensifie parole du corps.
J’ecrie mon corps, ma voix, mes croix, hachant le
vent òu s’aiguise la douleur asthmée d’éternité sous la pureté des flammes.
...
Franketienne, La bouche ovale
Atibô-Legba, l’uvri bayè pu mwê, Agoé !
Papa-Legba, l’uvri bayè pu mwê
Pu mwê pasé
Lô ma tunê, m’salie loa-yo
Vodu Legba, l’uvri bayè pu mwê
Pu mwê se râtré
Lô m’a tunê m’a rémèsyé loa-yo, Adobo.
(Atibo-Legba,
ouvre-moi la barrière, agoé ! Papa Legba, ouvre-moi la barrière pour que
je passe. Lorsque je retournerai, je saluerai les loa. Vaudou Legba, ouvre-moi
la barrière pour que je rentre. Lorsque je retournerai, je remercierai les loa,
adobo.)
...
Alfred Métraux, Le
vaudou haïtien
Salutation au Loa Legba, la divinité qui ouvre la
barrière
Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré
la mauvaise saison, à la belle saison notre arbre continue à vivre.
...
Jacques Roumain, Bois débène suivi de Madrid
Ayiti cheri, pi bon peyi pase ou nan pwen
Haïtí, chéri, il
n’existe pas de plus beau pays
...
Stanley Péan et Rodney
Saint-Eloi (collectif), Nul n’est une île
Oiseau friand
D’incertitude méditative
Sous la fine poussière
Métaphysique
D’un voyage impossible
Je mange mes immobiles
A ne devenir que vitesse
De pure ivresse
...
Franketienne, L’oiseau squizophone
Comme un bloc de granit
Le silence
Nul frémissement
Nulle voix
Nulle main
Seulement la certitude profonde de la colère
Et l’engoisse
Ce froid dans la poitrine
Et puis parfois
Quelque fois
Ce regard infinitement trist
D’où émerge la nostalgie
Brutale
Ce cri
Qui jamais ne s’endort
...
Marie-Célie Agnant, Et puis parfois quelque fois
Voici la légende du cœur-aux-chiens
Avec la célérité des flammes de la main
Qui disent non pour son sang vif
Ses cloches sonnent avec un bruit de bois sec
Dessus les arbres brisés en paraboles
Pour l’entraîner dans les dangers des fantômes tourbillonnants
Près du parapet des mots en serpents
Avec la célérité des flammes de la main
Qui disent non pour son sang vif
Ses cloches sonnent avec un bruit de bois sec
Dessus les arbres brisés en paraboles
Pour l’entraîner dans les dangers des fantômes tourbillonnants
Près du parapet des mots en serpents
...
Davertige, La légende de Villard Dénis
Kwèlye-an
Nou fi’n jete krazebrize
Tout vye rèv an mwin yo
m-pa ta ba-n konsèy
al mache pile yo met sou li
n-a va blese
lan zinglin yo
Nou fi’n jete krazebrize
Tout vye rèv an mwin yo
m-pa ta ba-n konsèy
al mache pile yo met sou li
n-a va blese
lan zinglin yo
(Quand tu a jeté tous mes rêves brisés,
Je te dit de pas
marcher sur eux, de pas les blessér
Je les ai mit
sous le lit
Tu les couperas
en petits morceaux)
...
Suze Baron, Avetisman
ki konn lanmè jouk nan fon kèl
sekrè dlo
se sekrè pa-m
paròl dlo
se paròl pa-m
vag ki vag
mwen karese-l
dlo lanmè
kouri nan je-m
se mwen sèl dayiva-ooo
ki konn lanmè jouk nan fon kèl
…
(Je suis le plongeur
qui regarde le coeur de la mèr
Le secret de l’eau est mon secret, ses paroles m’apartient
Je fait l’amour avec les vagues, mes larmes sont
eau de la mèr
Je suis le plongeur
...Les vagues habitent dans mes yeux)
...
Richard
Narcisse, Chan-Dayiva (Chanson du
plongeur)
De retour du marché, la cane Calandéric trouve son nid vide alors qu'elle l'avait laissé noir d'œufs blancs. Elle pique une colère bleue et s'écrie :
- Je vais me camper au bord de la rivière pour interroger tous ceux qui viendront s'y désaltérer. Parmi tous ces assoiffés je trouverai bien le voleur de mes œufs, car trop manger donne soif. Tiens, voilà un bœuf qui vient boire, suivi d'un cabri, d'un cochon, d'un caïman.
- Bœuf, Bœuf, Bœuf qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- MeuhhhhhMeuhhhhMeuhhh, des peaux de bananes !
- Cabri,Cabri,Cabri qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- Bèbèbè, de l'herbe de Guinée !
- Cochon, Cochon, Cochon qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- Grouingrouingrouin un gros tas de fatras, de détritus !
- Caïman, Caïman, Caïman qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- Fuitfuitfuit deux ou trois petites mouches !
- Tiens voilà Malice le malin, suivi de Bouki le glouton, qui viennent boire eux-aussi. Malice, Malice, Malice qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- Wouch wouch wouch du hareng saur, madame !
- Bouki, Bouki , Bouki qu'as-tu donc mangé pour avoir si soif ?
- Wololoy, j'ai mangé tes œufs, Calandéric !
Lorsque la cane Calandéric entend ce que lui répond Bouki elle se jette sur lui et le cogne et le frappe avec son bec, elle cogne, elle frappe tant et tant et tant et tant de fois que Bouki meurt sous ses coups de becs, pour la première fois. Oui, pour la première fois, parce que la gloutonnerie ne meurt jamais longtemps.
...
Mimi Barthélemy,
Les oeufs de la cane Calandéric
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(cliquez sur les images pour les agrandir)
Depestre, Rage de vivre : oeuvre poétique complète
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Franketienne, Oeuf de lumière